Les temps sont difficiles pour les associations !

Réductions drastiques des subventions et baisse des dons ont mis à mal de nombreux organismes. Un contexte qui risque de se durcir encore avec la remise en cause des « niches fiscales » et l'hypothèse de suppression de la défiscalisation des dons.

Si les conséquences d'une perte ( parfois très brutale ) de ressources sont limitées pour les petites associations (pêcheurs du lac et autres associations dédiées à la chasse aux papillons), ce n'est évidemment pas le cas pour les 140 000 associations employeuses qui représentaient 1,8 million de salariés en fin 2023 1.

La masse salariale étant généralement le poste de charge le plus important pour ces entités, se séparer de tout ou partie du personnel est la seule solution 2 pour éviter un dépôt de bilan.

C'est ainsi que de nombreuses associations ont opté – et optent encore – pour des ruptures conventionnelles 3 afin de se séparer de leurs employés et permettre à ceux-ci de faire valoir leurs droits aux allocations de chômage en conservant leur couverture santé-prévoyance 4.

Un parcours classique en période de difficultés, mais assorti d'un piège maintenu par une loi de décembre 2023, applicable depuis le 1er janvier 2025.

En effet, certains des salariés concernés par de telles ruptures conservent une activité auprès de l'association qui les employait : soit de façon purement bénévole, en raison de la nature solidaire des relations internes et de l'engagement associatif, soit au titre de « compensations » diverses 5. Ou les deux.

Ce qui est totalement prohibé et sanctionné.

L'article L5425-8 du Code du travail

Dans sa version issue du IV de l’article 2 de la loi n° 2023-1196 du 18 décembre 2023, cet article dispose : « Tout demandeur d'emploi peut exercer une activité bénévole. Cette activité ne peut s'accomplir chez un précédent employeur ni se substituer à un emploi salarié et doit rester compatible avec l'obligation de recherche d'emploi. L'exercice d'une activité bénévole n'est pas considéré comme un motif légitime pour écarter l'application des dispositions prévues par l'article L. 5412-1. » 6.

La disposition est on ne peut plus claire, bien que posant problème de constitutionnalité (notamment) : la poursuite ou reprise d'une activité bénévole, aussi modeste soit-elle, au sein d'une association précédemment employeur est formellement interdite.

Il s'agit, depuis l'origine (1998), de combattre le travail déguisé ou dissimulé foisonnant dans le milieu associatif et préjudiciable aux comptes sociaux nationaux.

Fréquemment involontaires et dues à la légèreté ou l'ignorance des dirigeants d'associations, les fraudes sont aussi répandues, de façon parfaitement assumée, dans certains secteurs comme le domaine médico-social, le sport, les spectacles et la culture ainsi que la formation, outre le cas des organismes confessionnels. 

Les sanctions

Elles sont lourdes :

  • pour les ex-salariés : remboursement des allocations indues et amendes administratives voire poursuites pénales
  • pour l'association : redressements par l'URSSAF et les caisses de retraite, poursuites pour délit passible d’une peine de 3 ans d’emprisonnement et d’une amende de 45 000 euros...

De fait, quasi inexistants il y a encore quelques années, les contrôles des URSSAF se multiplient en direction des associations, employeuses ou non. Contrôles auxquels s'ajoutent également ceux des inspections du travail, de France Travail (ex-Pôle Emploi) et des services fiscaux. Et, de plus en plus, ceux des bailleurs de fonds procédant à annulation, voire demandes de restitution, de subventions avec des conséquences catastrophiques pouvant aller jusqu'à la liquidation7.

L'article L5425-8, un texte à parfaire

La rédaction de ce texte appelle en effet la critique.

Considérons le cas de Mr X, 45 ans, demandeur d'emploi à la suite du licenciement économique prononcé par son dernier employeur, l'entreprise France Emploi, après 5 ans de fonctions. Mr X, souhaitant rallumer sa flamme associative, se rapproche de l'organisme Sauver le monde dont il a été salarié dans sa jeunesse, 20 ans plus tôt, et qui serait ravie d'avoir sa contribution (purement) bénévole aujourd'hui : c'est impossible du fait des sanctions encourues au titre de l'article L5425-8 du Code du travail et Mr X doit renoncer !

Ceci est indubitablement dépourvu de (bon) sens, mais le texte est d'application stricte, notamment par la Cour de cassation8.

Mais aussi inconstitutionnel, car la phrase « Cette activité [bénévole] ne peut s'accomplir chez un précédent employeur » ne comporte aucune limite dans le temps ni aucune restriction dans sa portée et, non plus, quant au statut d'allocataire.

Pour autant, dans l'attente d'un revirement jurisprudentiel ou – mieux – d'une réécriture de cet article par un législateur plus sérieux9, il paraît souhaitable que les intéressés soient très attentifs.

La prochaine obligation de déclarer les bénéficiaires effectifs pour les associations montre bien que la tendance ne s'inversera pas et que les dirigeants d'associations sont réellement  appelés à la prudence et à mettre de l'ordre dans leurs pratiques7.

__________

  1. URSSAF : La France associative en mouvement : l’édition 2022  — STATISTA : Le secteur associatif en France - Faits et chiffres 2023-2024
  2. À défaut de fonds propres suffisants pour tenir jusqu'au retour à meilleure fortune, la moitié des associations employeuses ayant 1 ou 2 employés.
  3. Du fait de relations internes généralement cordiales et, surtout, pour éviter si possible une procédure de licenciement économique compliquée et lourde de conséquences.
  4. Ce qui est exclu au cas de démission.
  5. Remboursement de « frais » plus ou moins justifiés, indemnités kilométriques ou forfaitaires de déplacements, versements « divers »...
  6. Article L5425-8 du code du travail
  7. Sujets en cours d'élaboration.
  8. Réécriture de l'article L. 5425-8 du code du travail - Question écrite n° 7398
  9. Et un Conseil constitutionnel plus... éveillé !

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