Santé Mentale Gouvernement Campagne 2025
Santé Mentale Gouvernement Campagne 2025 - Capture

« L'unanimité est acquise sur ce point, y compris chez les historiens, et même parmi tous ceux ayant quelque chose à déconstruire : jusque dans les années 60, la vie en France était un long fleuve très tranquille.

Les guerres appartenaient à la fiction, comme la peur atomique et les grandes épidémies. L'anxiété n'existait qu'au théâtre et les difficultés matérielles, la pauvreté ne se voyaient qu'au cinéma.

Certes, quelques accès de violence venaient parfois troubler ce monde idyllique, mais rarement, on les nommait  « faits divers ».

Il y avait bien, aussi, quelques individus étranges qu'on nommait « idiot du village », parfois agités, mais le plus souvent bon enfant. Et puis, un par village, c'était peu.

Bref, un vrai paradis.

Mais des gens très très bien intentionnés, à la recherche du paradis tout court, pas seulement du vrai, s'étaient donné une mission de la plus haute importance : le bonheur (tout court), pour tout le monde, au plus vite et quoiqu'il en coûte. Ayant échoué à ramener à la raison commune lesdits « idiots », malgré de longues études et de savants électrochocs1, ils eurent soudain un trait de génie2 et finirent par inventer des potions vraiment magiques3 : les antidépresseurs et autres anxiolytiques.

Mises sur le marché avec notre bénédiction, au vu de résultats apparemment probants4, ces potions devinrent un produit de consommation courante.

Marché, consommation... ces merveilles ne firent pas le bonheur des seuls consommateurs : bien sûr, les producteurs (les « labos ») firent fortune, les prescripteurs gagnèrent en confort, des emplois furent même créés par dizaines de milliers5.

Rien d'étonnant, dès lors, à ce que l'intérêt pour le mental se propage et s'installe dans les études : c'est ainsi que, toujours avec notre bénédiction, afin de dépasser la simple connaissance spontanée ou empirique des sentiments, des idées, des comportements d’autrui, furent instaurées les études académiques visant à faire de cette simple connaissance, une véritable science. Et même une science exacte, pour certains6...

L'ennui, car il y eut tout de même un ennui, fut que des milliers d'étudiants, dûment diplômés, vinrent encombrer les agences de l'ANPE7 dans les années 75-90. Mais là encore, nous avons su exercer nos compétences.

Et bien au-delà des pressions8 corporatistes exercées sur les entreprises pour qu'elles intègrent ces diplômés sans emploi9 : servis par un événement dramatique, les attentats du RER B à Paris en 1995, nous avons su créer les fameuses « cellules psychologiques »10. Cellules qui, propulsées par un autre événement dramatique, l'explosion de l'usine  AZF à Toulouse en 2001, se sont développées très rapidement jusqu'à permettre de résorber cette importante poche de chômage. La branche étant maintenant totalement... sécurisée avec la généralisation du dispositif11.

Des années durant, nous avons persévéré : après la canicule de 2003, Fukushima et le retour de la peur atomique en 2011, les attentats de 2015 (Charlie et Bataclan), les « gilets jaunes » en 2018, le Covid-19 et j'en passe, mais où en sommes-nous aujourd'hui ?

Pour m'en tenir aux aspects concernant la santé, mentale spécialement : seuls 8 millions* de nos compatriotes ont pu trouver le bonheur à l'aide des psychotropes, alors que la moitié de la population est affectée, jusqu'aux plus jeunes ! Le reste n'a pas encore été atteint par les études et statistiques.

Les comportements addictifs dangereux, voire suicidaires, n'ont cessé de croître augmentant à outrance la charge du handicap : la moitié de la population s'adonne aux drogues classiques12 voire à de nouveaux produits de synthèse, l'alcool résiste. Ce à quoi s'ajoutent les prises de risque irresponsables croissantes (sports extrêmes et dangereux, défis et rodéos stupides, etc.) et les addictions aux jeux vidéo13, pour ne citer que ceux-ci.

Des enfants se suicident, ce qui est sans précédent et gravissime.

La régression intellectuelle s'est installée, favorisant les comportements évoqués. On prétend apprendre le codage aux enfants, alors que ceux-ci ne savent ni écrire ni lire (pas même une mise en garde) correctement et qu'un pansement banal impose d'aller encombrer les urgences hospitalières.

Mesdames et messieurs les députés, chers collègues14 : force est de le constater, malgré tous nos efforts, nous ne sommes pas parvenus à offrir au peuple le paradis tout court promis.

Malgré les dizaines, que dis-je, les centaines de milliards d'euros dépensés15, malgré toutes les inflexions que nous avons accompagnées, si ce n'est provoquées, ce même peuple est au plus mal.

ll faut le dire : nous avons échoué ! Et le prix de cet échec est considérable en matière de santé : plus de 330 milliards d'euros au titre du dernier budget, dont plus de 23 milliards au titre des coûts directs affectés au mental. Et des coûts directs et indirects ayant atteint 160 milliards !

Malgré cela, la nation reste rongée par les dissensions, les antagonismes, les jalousies, les comportements mortifères, la violence des uns ou l'apathie des autres. L'inconséquence règne.

Nous-mêmes n'y échappons pas : pour être seulement 57716, nous ne sommes jamais parvenus à nous accorder pour le bien de ceux que nous représentons.

Nous avons conduit le pays à l'impasse, au délabrement et au chaos actuels. Néanmoins, nous continuons à passer le temps à nous invectiver, nous écharper, nous faire des coups bas, à nous repaître d'obscures tractations pour le moins foireuses ! 

Aussi bien, mesdames et messieurs les députés, chers collègues, je vous demande une minute, non pas de silence, non, une minute de sérieux pour changer : les générations précédentes ont affronté des épreuves autrement plus dures, plus dramatiques que celles que nous prétendons combattre aujourd'hui. Mais les guerres terribles, sur notre sol, les épidémies vraiment ravageuses, les périodes de disette, la violence des éléments17 n'ont pas empêché nos aïeux de bâtir ce dont nous profitons aujourd'hui. Ce qu'ils ont construit, même si ce n'était pas parfait, l'a été en surmontant l'adversité et l'horreur grâce à leur courage, leur conscience, leur clairvoyance, leur force d'âme : toutes choses qui s'édifiaient d'abord en famille, puis à l'école et, naturellement, la vie durant.

La souffrance, nos ancêtres l'ont connue et à des degrés sans commune mesure avec les bobopathies modernes. À l'instant me revient la mémoire de celui des miens qui, revenant de campagne de Russie, n'avait pour seule nourriture, que ses semelles et, pour boisson, que sa propre urine... Ou, encore, le souvenir d'une traversée du pays vers Paris, en plein hiver naguère, où il fallait se délivrer des congères avec les mains et à coups de cric. Peut-on croire (croire) un instant que perlimpinpin ou des caresses dans le dos eussent aidé à affronter de telles adversités ? Et à vaincre ?

Peut-on croire un instant que perlimpinpin et ces mêmes caresses puissent aider les millions de malheureux qui, aujourd'hui, doivent affronter quotidiennement obus, mitrailles et bombes et continuer à vivre de rien ?

Bien que d'une gravité moindre, si j'ose dire, peut-on croire que de telles illusions puissent aider celles et ceux, qu'une de nos méprisables et méprisantes célébrités nationales qualifiait de « sans dents », à supporter jour après jour leur état ?

Non ! Définitivement, non.

Aussi bien, aujourd'hui, mesdames et messieurs les députés, chers collègues, je vous le demande instamment : cette quarantaine de milliards que vous cherchez à nouveau, reprenez la à Mr Perlimpinpin et associés. Puis, je vous y invite solennellement, procédez à un examen de conscience. Espérant que ce celui-ci naissent les orientations propres à éviter les funestes dérives qui s'annoncent.

Je vous remercie. »

Assemblée nationale - Ouverture de session - 76e législature - Discours du député Fernand Demoures - Doyen .

* Les données chiffrées ne sont pas sourcées, car étant bien connues de tous les membres de notre assemblée pour provenir des diverses agences gouvernementales, notamment.
______________________________
¹ Bien intentionnés, mais un tantinet barbares tout de même....
2 On sait, aujourd'hui, que les plus grandes inventions sont le fruit du hasard. On cherche à inventer (et parfois faire) la roue et on tombe sur la dynamite...
3 
Selon certains commentateurs-consultants des chaînes TV en continu, ils auraient été jaloux des succès de Panoramix.
4 Car ayant permis de supporter la guerre du Vietnam, les premiers pas du terrorisme, le choc pétrolier et même la guerre froide, notamment.

5 Certes délocalisés dans ces pays nommés alors « pays émergents », mais des emplois tout de même.
6 Ce qui ne pouvait aboutir, bien entendu.
Ancêtre de France Travail et du Pôle Emploi.
8 D'aucuns diraient du « lobbying »...
9 Notamment au sein des services dits de « ressources humaines » en plein essor à compter des années 80. Le souvenir me revient de cette jeune candidate à un emploi d'assistante juridique qui, à l'époque, me dit tout à trac : « ... en fait, je cherche un poste où je puisse me consacrer au bien-être des salariés. » ! Elle s'était orientée vers le « mental » après son échec face à la licence en droit... 
10 Une curieuse dénomination, plutôt inquiétante... Mais il semble difficile d'exiger de l'inventeur de la poudre de perlimpinpin d'avoir une inspiration culturelle.
11 Aujourd'hui, un train en panne suffit à actionner une « cellule »...
12 Hors antidépresseurs, anxiolytiques et somnifères... Cocaïne, héroïne, cannabis, ecstasy, etc.
13 Propageant aussi, vicieusement, une forme de banalisation de la violence.
14 L'écriture inclusive est naturellement écartée de cette transcription car impropre à l'expression orale.
15 Dilapidés, selon certains. Ce qui est sûr, c'est qu'ils ont trouvé bonnes poches...
16 Quand nous sommes tous présents, ce qui est extrêment rare, il faut bien le dire.
17 Elle ne date pas d'aujourd'hui ni d'hier.

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