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Né Chèque emploi-service (CES), le Chèque emploi-service universel (CESU) aura 30 ans dans quelques jours.

Venu au monde (français) dans une décennie qui fait penser à l'actuelle, il est le rejeton d'une gouvernance très taxatrice : CSG en 1990, CES en 1994, CRDS en 1996, taxe sur les logements vacants en 1998, pour ne citer que ces exemples. Car le CESU, présenté comme un instrument d'inclusion sociale et de simplification (!), visait surtout à améliorer la collecte de charges et d'impôts face à des déficits se développant déjà dans l'allégresse.

Mais quid de la simplification ?

Pour Marinette*, retraitée avec des difficultés de mobilité, avant le CES-CESU, c'était très simple, mais c'était avant : Lise*, une jeune étudiante voisine lui faisait ses courses pour une rétribution convenue1 qui permettait à Lise d'acheter tantôt des livres pour ses études, tantôt un vêtement à son goût, ou prendre un « pot » avec ses amis. Satisfactions réciproques pour quelques dizaines de francs d'alors.

Un scandale pour des gouvernants et législateurs en perpétuelle chasse aux deniers et, bien entendu, pour les bien-pensants de tous bords ! Pensez donc, du travail au n***2, enfin du travail (outrageusement) dissimulé !

Quant aux formalités, ancienne coiffeuse de son état, Marinette aurait été bien en peine de les accomplir ! Passe encore pour une déclaration d'embauche, mais pour rédiger un contrat de travail, établir des bulletins de salaire et les inénarrables déclarations sociales qui vont avec, impossible. Pour cela, il faut savoir faire ou avoir (beaucoup) de moyens pour s'offrir les services d'un juriste (déclaré) et d'un gestionnaire de paie (déclaré également) !

Alors la technocratie s'est emparée du problème, avec un objectif à deux voies : renflouer les caisses en rognant sur la modique retraite de Marinette et de ses congénères, tout en faisant avaler la couleuvre de la « simplification ».

Un défi relevé avec un éclatant succès (la technocratie n'échoue jamais, c'est bien connu !) : le CES était porté sur les fonts baptismaux3.

Le CESU déclaratif4, une simplification éphémère


Au début, et jusqu'en 2006, l'usage en apparu relativement simple, en effet : il suffisait de remplir un formulaire et se faire délivrer un carnet de chèques à talons5, puis donner autant de chèques que nécessaires au regard de la rémunération due (et convenue). Après quoi les charges (ne pas les oublier) étaient prélevées sur le compte bancaire de la personne bénéficiaire à due concurrence.

Désappointée, mais préférant éviter tout ennui, Marinette s'est inclinée, non sans réduire ses demandes à Lise qui s'en est trouvée fort dépourvue, perdant ainsi une part de sa maigre ressource.

Les charges... Quant à la réduction d'impôts... Ah, mais oui ! Il faut évoquer la réduction d'impôts, une spécialité de la technofiscalité française : on crée un impôt et, en même temps (en même temps...) on crée une réduction (pour certains, pas pour tout le monde), une « niche fiscale ». On en parle beaucoup en ce moment, d'ailleurs. Donc, en même temps, le CESU était assorti d'une réduction d'impôts sur le revenu de 50 % : une réduction ne présentant strictement aucun intérêt pour Marinette, celle-ci étant (vraiment) non imposable. 

Au moins, cela n'apparaissait pas trop compliqué. Enfin en apparence.

Le CESU déclaratif : des obligations identiques à celles d'un employeur classique


Dès 2006, au verso du carnet figurait une mention (en petits caractères, comme c'est pratiqué dans les contrats d'assurance, par exemple...) indiquant que les bénéficiaires du CESU étaient tenus des mêmes obligations que tout employeur, particulièrement en matière de rupture de contrat ou, plutôt, de rupture de la relation de travail. Un contrat ? Mais comment, un contrat ?! Pour Marinette6, une poignée de main (et même une accolade) avaient suffi, comme dans une majorité de cas !

Mais, en effet, en cas de rupture de la relation, pour changement de lieu de vie : par exemple, Marinette aurait dû convoquer Lise à un entretien préalable à licenciement, tenir ledit entretien, notifier le licenciement à Lise et lui fournir certificat de travail, solde de tout compte et attestation d'employeur, tout cela en veillant très (très) scrupuleusement au formalisme et aux délais applicables à chaque étape ! Heureusement, adorable jeune fille, Lise a dispensé Marinette de ce fardeau.

Mais de nombreux autres « bénéficiaires », surtout après 2006, ont découvert à leurs dépens l'existence des... conseils de prud'hommes, qui n'ont de « conseil » que le nom.

Bien entendu, on n'imaginerait pas la « simplification » s'arrêter en si bon chemin : il a fallu aussi instaurer le « dialogue social », la « formation continue » etc. Et, pour ne pas en perdre une virgule, faire le (grand) pas consistant à élaborer une... convention collective !

Une convention collective7 de 283 pages dont la seule table des matières a de quoi faire fuir tout candidat « employeur CESU » ! Mais combien sont-ils à l'avoir lue ?

Un document que Roger* a découvert avec stupeur dans le cadre d'une interrogation sur le fait de savoir si, devant être absent plusieurs semaines, il devait régler les 4 heures hebdomadaires de service à son employée durant son absence ! La réponse étant : oui, ces heures sont dues.

Médecin à la retraite et sans doute plus rompu que Marinette en matière de textes, Roger est resté ébahi, surtout au vu de la remarquable convention collective, rappelant que celle-ci s'ajoute aux quelque 10 000 articles du Code du travail !

Roger ne savait pas qu'en souscrivant au CESU, il devenait un employeur comme un autre, soumis à l'ensemble du Code du travail, à une convention collective, à tous textes et obligations requérant la présence de juristes spécialisés dans une entreprise.

Souscription à ses risques et périls (qui sont très nombreux comme en témoigne l'explosion du contentieux depuis 2006, jusqu'à pléthore d'arrêts de la Cour de cassation !).

Bienvenue au service du CESU...

 

* Les noms ont été changés
______________________________
¹ Sans besoin de négociation collective ni de cotisation pour le « dialogue social ».
2 Expression aujourd'hui prohibée...
3 Décret no 94-974 du 10 novembre 1994.
4 LE CESU déclaratif permet de déclarer la rémunération de votre salarié à domicile, objet de ces lignes. Une autre forme est le CESU Pré-financé qui est un moyen de paiement analogue aux Tickets restaurants.
5 D'où le nom.
Et tant d'autres !
7 Convention collective de la branche du secteur des particuliers employeurs et de l'emploi à domicile du 15 mars 2021 (IDCC 3239)

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